Première Esquisse
Rêver n'est pas une activité qu'on peut se permettre d'entreprendre à la légère.
D'abord,
après l'ondoiement de pensées sans sens qui trahit l'emprise
tentaculaire des bras de Fable, le rêveur est précipité à travers les
Esquisses aux mille étages. Même les rêveurs lucides ont du mal à se
représenter les Esquisses, mais imaginons un grand hall de gare où se
presserait la foule de tous les endormis, une gare qui serait aussi un
gigantesque atelier à rêves où l'Inconscient tremperait ses pinceaux
pour éprouver la pallette subtile de ses couleurs. Rien n'est stable ni
achevé, dans les Esquisses : c'est un maelström, un merveilleux et
terrifiant brainstorming par où chacun passe mais dont personne ne peut
avoir de souvenir précis.
Dans les Esquisses erre une population
très importante de Lampadophores, lesquels guideront le rêveur, par
excès de bienveillance ou de malignité, vers des territoires plus
tangibles, à moins qu'ils ne préfèrent le laisser dans le moutonnement
furieux des rêves Esquissés. Le rêveur non lucide aurait de toute façon
bien du mal à transpercer la fine membrane des Esquisses sans aide -
mais quel rêveur non lucide se souvient des Lampadophores ?
Après
les Esquisses, voici les Enclaves ; voici les rêves les plus forts, les
plus stables, ceux qui peuvent même perdurer au-delà de l'esprit du
rêveur ; les rêves patiemment ébauchés, puis bâtis, soutenus par une
complexe et ineffable architecture, grâce aux efforts Esquissés de
"l'Inconscient Collectif".
Enfin, au coeur des Enclaves, niche
Fable, Fable qu'il est de toute façon impossible de décrire puisqu'elle
est indicible et parce qu'il est rare, très rare, pour un rêveur, de
pouvoir l'approcher. Redoutable, brute et merveilleuse Fable, pouls
battant du Subconscient, si absconse dans sa nature même qu'elle n'a,
finalement, en soi, pas d'intérêt.
Pour finir, entre Eveil,
Esquisses, Enclaves et Fable, se coule Faery, comme un liquide dans des
interstices - mais ceci est une autre question.